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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/34

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À la vue des deux pirogues armées en guerre et pleines de sauvages, Charlot dit à Nestor : « J’ai comme une vague idée que nous ne sommes pas au bout de nos tribulations ! Si nous ne quittons pas ces lieux sur-le-champ, nous sommes perdus ! — Ce que tu dis serait vrai, si ces démons parvenaient à débarquer dans notre île, répondit Nestor. — Et. qui les en empêcherait ? riposta aigrement Charlot. Toi ? — Moi ? — Par quel moyen ? — En faisant parler la poudre — Tu as un revolver ? — lieux que ça ! — Un fusil ? — Mieux que ça ! — Une mitrailleuse ? — Mieux que ça ! J’ai l’arbre-canon ! — Où est-il ? — Devant tes yeux ! » Nestor s’approcha d’un palmier poussé parmi les roches de la rive. Il se suspendit au haut du tronc qui s’abaissa. Un obus était placé dans la culasse. « Tu vois que le cas d’une agression était prévu par ma compagnie, expliqua Nestor. C’est plaisir de travailler pour des gens qui pensent à toutes les éventualités ! »

Et, après avoir pointé, il fit partir le coup. L’obus tomba au beau milieu de la pirogue la plus proche de la rive. Elle chavira et il est présumable que tous ses rameurs furent tués ou noyés. Tout eût été pour le mieux si la compagnie, qui pensait à tout, avait prévu que les agresseurs pussent venir dans deux pirogues. Ne l’ayant pas fait, l’armement de l’arbre-canon ne comportait qu’un seul obus. Et voilà les deux blancs à la merci de la seconde fournée de sauvages rendus plus furieux encore par la perte de leurs camarades. « Charlot, dit Nestor, je vais commettre un acte contraire aux engagements qui me lient à mes employeurs. Mais, tant pis ! Il s’agit de notre sécurité. — Que vas-tu faire ? — Une chose qui aura pour conséquence de détruire le dépôt d’essence. — C’est fâcheux, en effet, fit Charlot. Mais puisqu’il n’y a pas moyen de faire autrement… » Nestor mit une mèche au réservoir et l’alluma. Puis, sans attendre le résultat qui ne pouvait être que terrible, il sauta en croupe sur le fuselage du vaillant petit avion que Charlot venait de mettre en marche.

Il était temps ! Le formidable réservoir d’essence avait fait explosion, enflammant toute la végétation de l’île, déjà aux trois quarts grillée par le soleil et ta sécheresse. Et, bientôt, l’île ne fut plus qu’un immense bûcher qui n’était pas près de s’éteindre, le feu trouvant toujours de nouveaux aliments. Quant aux sauvages, atterrés par cet incendie soudain, ils se mirent à accuser le ciel et les dieux malfaisants, représentés pour eux par les deux sorciers blancs qui, déjà hauts, commodément installés dans leur machine volante, semblaient les narguer. Puis, finalement, voyant qu’il n’y avait plus moyen de vivre dans ce brasier, ils n’hésitèrent pas à plonger pour regagner leur pirogue. Hélas ! brûlée leur pirogue ! Aussi, ceux qui ne se noyèrent pas fournirent-ils un excellent déjeuner aux requins. « Somme toute, tout est bien qui finit bien ! fit remarquer Charlot. — Surtout pour moi ! » acquiesça Nestor reconnaissant.