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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/35

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Charlot ayant tait son plein d’essence était tranquille de ce côté-là. Il avait de quoi naviguer un certain nombre d’heures. Et c’était heureux, car le Crapaud-Volant survolait toujours l’océan et aucune terre un peu importante où se poser ne se trouvait dans ces parages. « Ah ! ce qu’on s’amuse ! ne pût-il s’empêcher de s’écrier à l’aube du second jour. — En effet ! répondit Nestor. Ça manque de radio, de théâtre et de cinéma. Encore, moi, j’y suis plus habitué que toi qui viens d’Europe. Et puis, j’ai toujours en poche une bonne ligne de fond montée d’un joli hameçon. En appâtant avec une sardine à l’huile, je suis sûr d’attraper un poisson, On le fera rôtir au soleil et cela nous fera des vivres frais. » Mais Nestor n’eut pas cette chance. Pas une fois cela ne mordit ! Comme il savait passablement piloter un avion, il s’installa dans la carlingue et passa sa ligne de fond à Charlot. Fut-ce science de la pêche, chance ou hasard ? Charlot pour son coup d’essai fit un coup de maître.

« C’est du gros ! » s’écria-t-il en sentant la résistance que faisait le poisson pris qui refusait de se laisser amener à bord. Enfin, Charlot réussit à sortir sa prise de l’eau. Et il ne fut pas peu émerveillé de voir qu’il avait capturé un dauphin de forte taille. « C’est une affaire, c’est un lot ! » s’écria-t-il joyeusement. Il avait tort de chanter victoire, car la docilité du monstre marin n’était que provisoire. Ce dauphin n’aimait pas l’aviation. Plutôt que de monter dans cet appareil volant, il préféra faire un grand effort pour regagner son humide habitat. Cet effort fut si violent, que Charlot, irrésistiblement entraîné, le suivit. Par bonheur, il retomba sur le dos du dauphin. Comme c’est un garçon habitué aux acrobaties, il trouva cela très drôle. « Un peu d’équitation sur dauphin, dit-il, cela rompt la monotonie de cette interminable promenade aérienne ! » Le cétacé goûtait moins ce genre de sport. Servir de monture à un homme n’était pas son affaire.

Il se débarrassa de son cavalier. Un jour quelconque, Charlot fût tombé à l’eau et se fût noyé. Mais il était dans un jour de veine, ne l’oublions pas. Après un impeccable saut périlleux, il retomba sur un banc. Pas un banc de square, en bois ou en pierre. Non. Sur un banc de poissons. Ces poissons étaient si nombreux et en masse si serrée, que Charlot se trouvait soutenu au-dessus des flots. De cet observatoire, il pouvait suivre sans se fatiguer les évolutions du Crapaud-Volant et critiquer les fautes de manœuvre de Nestor, pilote occasionnel, mais qui, plein de bonne volonté, cherchait le moyen de récupérer son camarade et de le faire remonter à bord. El y fut pleinement aidé par les poissons sur lesquels Charlot était assis Ces poissons étaient des poissons volants, ce qui était facile à deviner en voyant leurs énormes nageoires en forme d’ailes. C’étaient, somme toute, les aviateurs de la gent poissonnière. Par solidarité, ils s’employèrent à sortir Charlot de sa position dangereuse, en le portant sur leurs ailes-nageoires jusqu’à l’avion que Nestor l’aida à réintégrer.