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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/39

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L’affreux nain qui régnait sur l’île des phénomènes était un monstre, au moral comme au physique. Quant au colosse qui lui servait d’exécuteur de ses basses œuvres, c’était une si sombre brute qu’il n’y avait rien de bon à en attendre. Aussi Charlot et Nestor, qui barbotaient dans les flots où ils venaient d’être précipités, ne s’attendaient-ils pas à un geste de pitié de la part de ces odieux personnages. Pourtant, ils eurent une lueur d’espoir quand le nain leur lança une corde. Mais, au moment où Charlot allait en attraper un bout, le nain lâcha l’autre bout. « Ah ! je comprends ! s’écria Charlot. C’était par dérision que tu me lançais cette corde. Je ne t’en remercie pas moins, car elle pourra nous servir ! » Et, très courageusement, les deux candidats à la noyade se mirent à nager dans la direction d’un rocher minuscule qui avait pour seuls avantages de ne pas être submersible et de se trouver peu éloigné. Ils ne tardèrent pas à y arriver. « Terre ! s’écria Charlot.

— Pierre ! devrais-tu plutôt dire, ricana Nestor, car cet îlot n’est qu’un caillou… — Pardon ! fit Charlot, il y a un peu de sable et de terre par places. En tout cas, bien qu’elle ne soit pas d’une fertilité excessive, notre nouvelle résidence a du moins l’avantage de ne pas être peuplée de phénomènes. — En attendant, nous allons y périr d’inanition. As-tu quelque chose à manger sur toi ? — Heu… rien… rien que ces quelques graines… — C’est maigre ! » Charlot ayant vidé ses poches, il en tomba effectivement quelques graines… il dédaigna de les ramasser, et il fit bien. Il s’agissait en effet de graines de poussevite. Celles qui tombèrent dans les trous du rocher qui étaient pleins de terre se mirent aussitôt à germer. En quelques instants, le minuscule îlot se garnit d’arbustes dont les tiges, grossissant à vue d’œil, ne tardèrent as à devenir des troncs. Nestor, sur les conseils de Charlot, se dépêcha de les débiter en rondins, pendant qu’il en était encore temps, c’est-à-dire avant qu’ils eussent atteint un trop grand diamètre.

« Et voilà où la corde du nain va nous être de la plus grande utilité, dit Charlot. — Que comptes-tu en faire ? interrogea Nestor qui manquait un peu d’imagination. — Comment ? Tu n’as pas deviné que cette corde va nous servir à lier les rondins ensemble ? — Et… qu’est-ce que ça fera ? — Hein ! Qu’est-ce que ça fera ? Mais, ça fera un radeau ! Pour quoi faire, un radeau ? — Pour quitter ce rocher inculte où nous serions morts de faim avant huit jours ! Nestor, mon ami, il faut tout tenter pour sortir de ce mauvais pas, Quel est le plus grand ennemi de celui qui veut arriver à ses fins ? L’inaction ! Agissons donc. Une fois notre radeau construit, ce qui ne saurait tarder, nous nous laissons porter par lui vers quelque terre plus hospitalière où nous pourrons attendre que l’on vienne nous chercher pour nous ramener dans les pays civilisés. » Deux heures après avoir débarqué à la nage sur cet îlot perdu, Charlot et son compagnon le quittaient sur un radeau presque confortable. Un record !