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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/38

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Et voilà Charlot et Nestor installés chez la Femme à barbe, seul être féminin de cette île singulière, habitée exclusivement par des phénomènes forains, vivant là entré eux loin des êtres normaux, sous la royauté de Mignature Ier, le nain le plus nain de tous les nains passés, présents et à venir. Ils ne sont pas gais, car l’aventure ne peut que mal tourner pour eux. « La perspective n’est pas réjouissante ! répète Charlot, — En effet, acquiesce Nestor, Si, d’ici huit jours, nous ne sommes pas devenus des phénomènes, on nous jette à l’eau pour se débarrasser de notre indésirable présence. — Dans ce cas, essayons de devenir des phénomènes, Qui veut la fin, veut les moyens ! » Charlot avait appris que cette nation d’êtres anormaux ne comptait pas d’Homme-Serpent. En conséquence, et pour combler cette lacune, il se mit à étudier les contorsions d’un ophidien, d’ailleurs inoffensif, dont il avait fait la connaissance.

Quant à Nestor, plus ambitieux encore, il rêvait de devenir l’Homme à Deux Tètes, ni plus ni moins. Hélas ! il n’avait pas un talent de sculpteur suffisant pour se fabriquer une seconde tête taillée dans le bois. Il abandonna ce projet trop ardu. Au cours d’une promenade à l’autre bout de l’île, Charlot rencontra l’Homme aux Trois Bras. Celui-ci, d’une main tenait sa pipe, de l’autre jetait une graine dans un petit trou fait dans le sable et de l’autre encore tenait un sac contenant ces graines. À peine une de ces semences était-elle enfoncée dans le sable qu’elle germait aussitôt et donnait naissance à un arbrisseau qui ne tardait pas à devenir un arbre. « Quelles sont donc ces graines miraculeuses ? demanda Charlot. — Ce sont des graines de poussevite, répondit le phénomène, — Voudriez-vous m’en céder quelques-unes ? — Volontiers ! — Voilà, dit Charlot à Nestor. En avalant quelques-unes de ces graines de poussevite, nous deviendrons, en quelques heures, les géants les plus gigantesques qui soient sur cette planète et même dans la lune où les géants sont encore plus grands puisque la lune est plus haute que la terre ! »

Le résultat escompté ne se produisit pas. Peut-être le terrain ne convenait-il pas à ces graines capricieuses, Toujours est-il que Charlot et Nestor, bien qu’ils en eussent avalé chacun une bonne douzaine, n’accusaient pas un centimètre de plus sous la toise. « Le sort en est jeté ! soupira Charlot. Nous sommes condamnés à rester toute notre vie des êtres normaux. — Toute notre vie ? maugréa Nestor. Elle ne sera plus longue, notre existence, car nous voici arrivés au terme du délai accordé par cet avorton de Mignature Ier. » À peine avait-il dit ces mots que le géant venait les cueillir pour les amener, à bout de bras, à son maître qui se promenait sur le rivage. Ah ! ce ne fut pas long ! Sur un signe du roitelet, le géant précipita Charlot et Nestor à la mer. Ne pleurons pas encore sur cette terrible aventure. Avec Charlot, il y a toujours de la ressource !