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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/42

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Après une traversée sans histoire, Charlot et Nestor furent débarqués dans un grand port ultra-moderne, en pleine civilisation. Naturellement, en vertu de cette civilisation intensive, le chômage y sévissait peut-être encore plus que partout ailleurs. La compagnie aérienne de Nestor ayant fait faillite et le patron de Charlot ne donnant pas signe de vie, les deux voyageurs étaient sur le pavé, sans sou mi maille, à la recherche d’une improbable situation sociale, si modeste fût-elle. Ils se désespéraient déjà quand ils virent une petite affiche ainsi libellée : « On demande un robot. S’adresser à Mme Gâtesauce, 153 bis, rue des Babas. » Un robot ? Keksekça ? Tu le sais, toi ? demanda Charlot. — Ma foi non ! Mais voici un agent : nous allons le lui demander. » Cet agent, posté à un carrefour pour réglementer la circulation, ne répondit pas à la question qu’on lui posait C’est-à-dire que de son individu sortit une sonnerie électrique, destinée à changer le sens de la circulation des voitures.

Et, comme l’agent se retournait d’une pièce, Charlot reçut en pleine figure un poing énorme armé d’un bâton blanc. « Brute épaisse ! » s’écria-t-il ! Les deux amis n’insistèrent pas et s’éloignèrent à la recherche d’un indigène plus complaisant qui voulût bien les renseigner sur la signification du mot « robot » dont ils entendaient parler pour la première fois. Ils crurent bien l’avoir trouvé en la personne d’un vieux jardinier qui arrosait les massifs et les plates-bandes d’un grand parc où ils venaient d’entrer. À vrai dire, la physionomie inexpressive de ce préposé à l’arrosage n’était pas très engageante. Charlot ne lui en posa pas moins la question qui lui brûlait les lèvres : « Pardon, mon brave, serait-ce un effet de votre bonté de nous dire ce que signifie le mot robot ? » Pas plus que l’agent, le jardinier ne répondit. Comme le moment était sans doute venu de cesser l’arrosage des massifs de gauche pour entreprendre celui des massifs de droite, il fit un demi-tour sur ses talons et… Charlot fut inondé de la tête aux pieds. Charlot et Nestor quittèrent cet énergumène sans prendre congé et sortirent du jardin public pour entrer dans la rue la plus commerçante de la ville.

« Si je demandais à ce jeune épicier ? proposa Charlot. Pour les besoins de leur négoce, les commerçants sont souvent plus complaisants que les autres citoyens… — Essaye toujours », acquiesça Nestor qui n’y voyait pas d’inconvénient du moment qu’il ne risquait rien en se tenant à distance. Sage précaution, car l’épicier interpellé ne répondit à la question de Charlot que par un mouvement saccadé, lequel eut pour effet d’envoyer une poignée de sel dans la bouche du questionneur qui bayait aux corneilles en attendant la réponse. Enfin, s’étant adressés à une agence de renseignements, les postulants à la place de robot apprirent ceci : « Un robot est un automate, mû mécaniquement, qui accomplit les gestes d’un être humain et qui est capable de mener à bien des besognes très compliquées. Dans cette ville, les robots servent de domestiques ou de fonctionnaires. Les personnes auxquelles vous vous êtes adressées sont des robots. »