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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/103

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SOSIPATRA ET LA COURTISANE

gracieux, elle prit dans ses mains parfumées les deux mains de Sosipatra.

– Pardonne-moi, ma chère, dit-elle. J’ai froissé ton cœur délicat, mais j’avais cru… Allons, garde ton secret. Parlons seulement de cette amie qui te ressemble et qui est, comme toi, chaste et naïve… Si l’amour est un sortilège, il est trop vrai que Philométor m’a ensorcelée, jadis, car il m’a fait éprouver ces alternatives de fièvre et de glace, ce frisson intérieur que tu m’as décrits, par ouï-dire, aussi exactement que si tu les avais ressentis toi-même. Je m’endormais en pensant à Philométor. Je le caressais en rêve. Il était la première pensée de mon réveil. Je perdais l’appétit. Je maigrissais. Mon front allait se rider avant l’âge, et ma gorge défleurir… Je préférai à cette lente agonie une fin plus rapide, et c’est alors qu’étant sur une plage, non loin de Smyrne, je fis cette folie de me jeter à la mer. Mais la folie est souvent le masque de la sagesse. L’eau froide éteignit ma fièvre d’amour, et un excellent Égyptien… Le reste ne t’intéresse pas. Retiens seulement, de mon aventure, cette leçon : aucun homme ne vaut qu’on meure pour l’amour de lui. Quant à