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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/108

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FIGURES DANS LA NUIT

l’amour ? Comment me guérir d’un mal que je n’ai pas su découvrir ? Je n’userai pas de l’abominable remède indiqué par l’abominable Jacinthe. Me donner à Philométor jusqu’à satiété ? Horreur ! Me jeter à l’eau ? Ce serait trahir lâchement ma propre vertu et mes devoirs les plus chers, puisque, avant tout, je suis mère… Hélas ! Hélas ! Que devenir, que faire, moi, malheureuse ? »

Après beaucoup de larmes et de soupirs, elle s’endormit. Et rapide, un songe l’emportant loin de Pergame, la ramena ici même, dans le domaine paternel. Elle se trouva au bout du jardin, sous les platanes, près du vieil autel aux neuf figures peintes, que sa mère avait tant aimé. La fraîche fontaine égouttait sa petite chanson de flûte parmi les violettes et les cressons.

Sosipatra, chagrine et fatiguée, s’assit sur la margelle de pierre, et se voyant reflétée au miroir de l’eau, elle pleura d’être belle encore, jeune encore – pas pour longtemps ! – et d’aimer sans être aimée ! Comme elle s’abandonnait à sa tristesse, une voix l’appela par son nom. Elle tourna la tête, et à travers le voile ruisselant de ses pleurs, elle vit… ô prodige ! Le marbre du vieil autel s’animait.