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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/109

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SOSIPATRA ET LA COURTISANE

La plus majestueuse des neuf déesses se détachait du groupe dansant et s’avançait vers l’affligée. Qu’elle était grave, et pourtant douce, cette Uranie à la tunique bleue semée d’étoiles, tête plus dorée que la lune en son quinzième jour ! Ses yeux rayonnaient d’une tendresse ineffable, comme d’une maternité mystique, et, avec leur regard, la sérénité des espaces célestes descendit dans l’âme de Sosipatra. La grande Muse s’arrêta devant elle, et de sa main, lui touchant le front, elle dit :

– Fille de notre chère Rhodanthe, ô toi si chère aussi, toi comblée de nos dons, pourquoi pleures-tu, Sosipatra ? Les sommets de la science et de la vertu, où tes maîtres, les Génies, ont conduit tes pas d’enfant, où tu as vécu dans la contemplation des Idées pures et la familiarité du monde surnaturel, ces sommets, inaccessibles aux femmes vulgaires, deviennent-ils donc, pour toi, le royaume de l’ennui, des pics de neige stérile, solitaires au milieu du ciel ? Pupille chérie des Muses, que te manque-t-il pour être heureuse ? Est-ce la fortune ?…

– Non, dit Sosipatra. Je n’ai pas besoin de pourpre et de perles…