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LÉGENDE DE DUCCIO ET D’ORSETTE

ni amis ni ennemis ; si bien que le nom de Duccio fut en horreur à toute la contrée et sa tête mise à prix par la Seigneurie de Florence.

La bande, âprement pourchassée, se dispersa. Il ne restait plus à Duccio qu’un seul compagnon, appelé Tibère, et tous deux vécurent comme des loups, brouillant leurs traces et changeant de gîte pour dépister les chasseurs. La faim, le froid, l’incertitude perpétuelle de vivre et de mourir, brisèrent bientôt les forces et la volonté de Tibère, tandis que Duccio, exercé aux privations dès sa jeunesse par la discipline monastique, ne fléchissait pas. Un jour, ils faillirent tomber sur un convoi qui allait du Casentin vers le Murgello, avec une escorte bien armée. Des soldats qui les avaient vus les poursuivirent. En fuyant, Tibère et Duccio s’égarèrent dans un lieu inconnu. C’était une montagne toute noire de sapins, toute ruisselante d’eaux vives, creusée de froides vallées. Recrus de fatigue, les deux hommes se couchèrent sur une grande pierre plate, au bord d’un torrent, et partagèrent leur dernier morceau de pain ; puis ils convinrent de dormir et de veiller l’un