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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/148

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FIGURES DANS LA NUIT

après l’autre, et Duccio, se confiant à la bonne garde de Tibère, se reposa, lui premier. Mais le démon induisit Tibère au crime de Judas. Il lui représenta le destin qui l’attendait, cette vie de bête forcée. Pour qui ? pour un homme qui n’était pas de son sang, pour un bandit dont la mort réjouirait toute la Toscane et vaudrait à l’exécuteur la clémence des Florentins. Bien persuasif est le démon, quand il parle dans la solitude ! Tibère ne discuta pas longtemps avec le conseiller malin dont la voix lui semblait être sa propre pensée et le vœu propre de son cœur. Fardant sa méchanceté d’une couleur de justice, il résolut de tuer Duccio et de porter sa tête à Florence. C’est pourquoi il tira son poignard… mais il ne put regarder en face son maître qui, sale, échevelé, la barbe longue, les joues creuses, conservait, dans le sommeil, un air d’homme noble et de guerrier. Tibère, se déplaçant alors, avec précaution, sur la pierre plate, arriva derrière Duccio et le frappa, traîtreusement. La lame aiguë déchira l’épaule, dévia sur un os et se brisa. Duccio, réveillé par le choc, ne sentit même pas la douleur. Il saisit à la gorge le misérable Tibère et le précipita dans le lit du torrent,