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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/158

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FIGURES DANS LA NUIT

ce corps de boue, cette chair d’iniquité. À peine guérie, j’eus le désir de le retrouver, et j’osai me mêler aux pèlerins, monter au couvent, attendre la procession qui sortait de l’église… Mais la grâce de Dieu toucha mon cœur. Je tombai à genoux, en versant des larmes si amères et si douces que le souvenir de ce moment m’attendrit encore. Je passai de la confusion à la honte, de la honte au repentir, de l’amour humain au divin amour. La vie du siècle me fut en abomination. Alors, je distribuai mes biens aux pauvres : je laissai croire que j’étais partie outre-mer, et je vins ici, pour imiter Madeleine dans sa vie pénitente, comme je l’avais imitée dans sa vie voluptueuse. Tu le vois, mon frère, par des chemins opposés, nous arrivons, toi et moi, au même but qui est l’humble contrition, l’espérance et l’amour de Dieu ; et puisque le Seigneur nous a réunis, ce matin, et qu’il nous permet de revoir ensemble la sainte montagne, louons-le, bénissons-le, avec toutes ses créatures…

Duccio se prosterna, face contre terre. Il demeura ainsi, longtemps. Quand il se releva, l’Orsette avait disparu et le soleil, ostensoir éblouissant, brillait sur la Verne.