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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/171

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LA SIRÈNE DE KERDREN

séché qu’un coquillage abandonné au soleil, la bouche tordue par l’ironie, le menton saillant, les joues creuses, les yeux d’un bleu singulièrement pur et vif, semblaient faits d’une matière subtile, non charnelle, aussi légère qu’une feuille morte au creux de la main, et que la moindre étincelle eût consumée.

— As-tu dîné, cher Léonidas-Brutus ?… Oh ! pas de cérémonie avec moi. Cela pue l’ancien régime. Soyons laconiques. As-tu dîné ? Non. Tant pis pour toi. Tu partageras mon brouet spartiate. Naguère, sous le tyran, je t’aurais offert du gibier, mais on m’a retiré mes droits et mes armes de chasse, il ne me reste plus que des harpons.

Mazurier considéra le citoyen Le Guilvic, ci-devant comte de Kerdren et capitaine de frégate dans la marine ci-devant royale.

— Sous le tyran, dit-il, je n’aurais pas dîné à votre table, et l’office eût été bien assez bon pour le fils d’un marchand tourangeau.

— Qu’en sais-tu ? s’écria brusquement Le Guilvic… Un freluquet de Versailles vous eût peut-être traité selon votre naissance et non pas selon vos mérites. Mais j’avais une autre idée de l’hospitalité, avant même que d’avoir lu votre Jean-Jacques.