Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/178

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
FIGURES DANS LA NUIT

sur Brest et que la société aristocratique fut emportée par ce raz de marée, des officiers subalternes, des avocats, des marchands, presque sans connaître M. de Kerdren, le considéraient comme un Mirabeau de Basse-Bretagne. Il se tira d’un pas dangereux en se réfugiant dans son château, pour y soigner sa santé, disait-il, et s’y occuper de travaux scientifiques. À plusieurs reprises, des délégués de Brest, de Landerneau, de Carhaix, le vinrent surprendre à Kerdren. Ils trouvèrent toujours dans les façons de l’hôte, dans l’aspect du logis, dans la frugalité de la table, comme une double attestation de civisme et de pauvreté. Leur sollicitude alla jusqu’à s’informer des dispositions des paysans. Les ci-devant vassaux, encore subjugués par le fanatisme, n’étaient-ils pas une menace permanente pour le ci-devant seigneur, devenu républicain ? Le ci-devant seigneur répondit que les gens de Kerdren le tenaient pour sorcier et n’approchaient jamais du château, le seul Corentin, ex-matelot, assurant tout son service ; et, comme il accompagna cette déclaration de quelques jurons épouvantables, les délégués se retirèrent tout attendris.

Charles-Auguste Mazurier partageait le sen-