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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/21

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vieille aux yeux gonflés souhaita un bon sommeil à l’hôte et s’en retourna près de Charitô. C’était justement l’heure où le barbier-médecin arrivait, avec son bassin et sa lancette.

Machatès termina son repas seul et pensif, puis il se mit au lit sans éteindre la lampe d’argile encore toute pleine. Les vents coulis qui se glissent sous les portes, dans les vieilles maisons de campagne, agitaient sans doute la petite flamme, car elle se couchait, se redressait, fourchue comme une langue de vipère, ou s’échevelait soudain, en grésillant. Des ombres montaient du sol, basses et monstrueuses, et soudain grandissaient jusqu’aux solives, coupant le mur de leurs gesticulations démesurées. Cependant, nul souffle, au dehors, ne troublait la paix du jardin, et les feuilles du rosier qui festonnait la fenêtre, étaient, absolument immobiles. De son lit, Machatès voyait la nuit bleue et noire, étincelante d’étoiles, baignant comme un élément mystérieux, le jardin rustique et la maison. Il songeait aux routes qui s’en vont, par la campagne déserte, aux voyageurs égarés dont le bâton sonne sur les dalles, aux feux lointains, aux chiens