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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/241

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SAINT JEAN LIBÉRATEUR

« Quatre-Vingts », il y a la plus belle maison de Tulle. Elle a été construite sous Louis xii par un Loyac, et, dans l’année 1793, elle appartenait à M. Jean-Joseph Sage, mais, pour les gens de la ville, elle était encore, — comme elle est aujourd’hui, — la « grande maison de Loyac ». Bonnefont aimait cette maison sans savoir pourquoi, peut-être parce qu’étant illettré, il était sensible à la poésie des choses qui disparaît si vite pour les demi-savants. La grande maison de Loyac, ciselée par un sculpteur inconnu, offrait au bon savetier sa façade comme un livre de pierre tout rempli de belles histoires. On y voyait — on y voit toujours — la nature et la fable mêlées, des sirènes, un sanglier, un cerf, un porc-épic, des chiens courants, des lions ailés, des têtes charmantes ou grimaçantes, et, ce qui prêtait beaucoup à rire, un joueur de chabrette nu, velu comme un satyre, debout, en face d’une gaillarde jouvencelle coiffée à la mode de ma mère grand, et qui, dans le plaisir de la danse, soulevait du bout des doigts, d’un geste à peine indiqué, sa petite cotte.

Jamais Bonnefont ne passait devant cette maison sans lui faire l’amitié d’un regard. Ce