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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/262

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FIGURES DANS LA NUIT

au-dessus des collines, et se fond, plus haut, dans une teinte verte, acide et pure, où moutonnent de petits nuages pareils à des flocons de laine détachés de la tunique du Précurseur. Une rosée d’étoiles scintille à peine.

La place, avec ses vieilles maisons à galeries, s’éveille à la vie du soir.

Il n’y a pas encore de chandelles allumées derrière les vitres. Après la torride journée, les gens qui ont fini de souper s’installent aux balcons, se penchent aux fenêtres, s’asseyent au seuil des portes, en famille, pour respirer l’air attiédi. Et ils se divertissent à reconnaître les promeneurs qui font les cent pas devant la cathédrale.

Promeneurs bien différents de ceux qu’on voyait autrefois, lorsque, dans la petite ville aux mœurs amicales, nobles et bourgeois se mêlaient sans façon au populaire. La « bonne compagnie » de Tulle languit en prison, ou se terre dans les maisons bien verrouillées du Trech. Ce qui triomphe maintenant et s’étale, ce n’est même pas le peuple sage et rude des artisans : c’est la lie du pays, des ouvriers fanatisés, de petits fonctionnaires enflés de vanité jalouse, des avocats qui singent les illustres conventionnels. C’est Jacques Brival,