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SAINT JEAN LIBÉRATEUR

c’est Jumel. C’est le moine apostat. C’est le prêtre défroqué. C’est aussi le « Cyclope », noir de crasse, qui ne sait pas lire et se réclame ingénument de Voltaire et de Rousseau. La colossale figure de la Révolution — terrible à Paris, sublime aux frontières — grimace dans la petite province et s’y rétrécit à la mesure des individus qui prétendent l’incarner. Jumel est un petit Marat. Tous les membres du club veulent ressembler à Jumel et toute la plèbe aux membres du club. Parmi cette horde débraillée, il y a de braves gens, terrorisés ou crédules, qui suivent des chefs atroces en bêlant la fraternité, et croient affirmer leur républicanisme par les trous de leur veste et la saleté de leur bonnet rouge. Les femmes et les filles, au contraire, se pavanent, cocarde au sein, cocarde à l’oreille, regrettant tout bas la Lunade pour le feu de joie et pour la danse, mais ravies de remplacer les comtesses. Ces Limousines du bas-pays sont de petite taille, bien faites, fines et vives, la jambe jolie, la joue fraîche, l’œil noir, et elles marchent en se tenant, à trois ou quatre, par la ceinture. Quelles œillades vers les jouvenceaux qui ne sont pas encore aux armées ! Avec quel plaisir cette jeunesse virerait la