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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/269

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SAINT JEAN LIBÉRATEUR

et des ci-devant officiers, comme le Masset de Royal-Navarre.

— Celui qu’on a tué, en 91, sur le pont ?

— Celui que le peuple a puni. J’en étais. J’ai frappé comme les autres.

— Toi, Borie ?

— Ah ! j’étais bien étonné, après, parce que je ne suis pas féroce, tu le sais ! Je ne ferai pas de mal à un chien !… Mais un traître, c’est moins qu’un chien.

Ils marchent en silence. Bonnefont halette un peu.

— Tu es las, mon pauvre, dit Borie, d’un ton apitoyé. Donne ton sac. Je le porterai bien, quoiqu’il soit pesant.

— Je ne suis pas fatigué.

— Que tiens-tu là dedans, qui est si lourd ?

L’armurier tâte le sac de toile brune.

— Ce n’est pas du cuir ! Ça résiste ! C’est dur comme bois.

— C’est du bois pour faire des sabots. Les souliers sont au fond.

— Une sotte idée que tu as, mon pauvre Bonnefont ! Chargé à crever ! Et sur cette pente roide ! Tu rendras l’âme devant que d’arriver chez toi. Donne-moi ton bois à sabots. Ça te soulagera.