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FIGURES DANS LA NUIT

bonne figure rougeaude, vêtu de l’ancien costume paysan, culotte et veste de droguet bleu cent fois reprisé, se décide brusquement.

— Je vas te faire un bout de conduite.

— Si tu veux.

Ils montent la rue étroite, côte à côte, l’armurier accommodant son pas au pas inégal du savetier.

— Belle soirée, bien douce ! dit-il. Cela me rappelle les tours de Lunade de ma jeunesse, quand tu étais encore petit, toi, mon cadet. C’était un temps d’esclavage. Le tyran et les aristocrates nous suçaient le sang. Mais le soleil avait plus de force qu’aujourd’hui et le monde était plus gai.

— Non, Martial ! C’est toi qui étais plus jeune.

— Peut-être bien… Vilaine chose que de vieillir ! Et pourtant je me réjouis d’avoir vu la liberté. J’ai mes deux fils à l’armée du Rhin. Qu’ils sont heureux ! J’y voudrais être moi-même, battre les Autrichiens, et les gens de Pitt et de Cobourg !

Et, plus bas :

— Il y en a partout, des espions de l’Angleterre. Il y en a dans le Trech…

— Qui les a vus ?

— Ils se cachent bien. Ce sont des prêtres