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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/271

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SAINT JEAN LIBÉRATEUR

Et voici Bonnefont dans la campagne, sur le plateau raviné, où les chaumines s’espacent parmi les blés noirs et les vignes, où il y a des bois de châtaigniers et des espaces incultes. Là commence ce vaste manteau de bruyère qui empourpre les épaules rocheuses du Limousin, et qui est tout brodé d’argent vif par les fraîches eaux courantes.

Du soleil disparu, il reste un peu de rougeur fanée, et tout le zénith est bleu, d’un bleu si léger, si doux, si finement cendré par la lune levante, que les étoiles n’osent point y briller trop fort. On sent un grand silence dans le ciel, comme une attente. Ah ! c’est la nuit des nuits d’été, celle qui vient ! C’est la nuit des enchantements et des prodiges ! C’est la nuit où les plantes ont toute leur vertu, où les bons mages et les bergers pieux sont rois sur les puissances du mal, et reines les chastes filles.

Nuit sans maléfices, sans fantômes, nuit favorable aux vierges qui cherchent dans les fontaines ou dans les miroirs l’image de l’époux futur et le secret de leur destinée. Une douceur infinie tombe du ciel sur la pauvre terre. Des voix confuses sortent des branches noires et des herbes mouillées. La