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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/272

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FIGURES DANS LA NUIT

nature en fleur chante le cantique de Samuel. Il va naître, il est né, l’apôtre du Feu, le grand saint Jean !

Si les hommes oublient de le louer, qu’il soit loué par les choses ! Si l’antique ronde sacrée ne tourne plus en son honneur, que les oiseaux de nuit, que les papillons gris comme des pénitents en capuce, que les noctuelles, que les grillons forment un cortège, et que les vers luisants allument leurs petites lanternes bleuâtres au bas des buissons !

Mais tous les hommes ne sont pas des ingrats, ô saint Jean ! Celui-ci qui marche, le dos courbé, a pris la route coutumière des anciennes Lunades. Voyez, grand saint, voyez comme il souffre, clopinant et butant sur les pierres, et comme son fardeau s’appesantit ! Tel Christophe accablé par l’Enfant divin, il va choir, le pauvre Bonnefont, si vous ne le soutenez, si vous ne faites, en sa faveur, un miracle qui ne sera point connu, un miracle qui ne se manifestera pas votre gloire, mais seulement votre amitié.

Il chancelle. Il glisse. Il se relève. Ses jambes rament, comme les pattes du crapaud blessé. Sa tête dodelinante se retire entre ses épaules difformes. Va-t-il tomber là et