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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/273

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SAINT JEAN LIBÉRATEUR

mourir ?… Non. Il chemine lentement, obstinément, poussé par le grand amour qui le fortifie.

À l’oratoire du Petit-Calvaire, à l’oratoire du bois de Malaurie, à l’oratoire de Brayge, à La Croix de la Bachellerie, à la chapelle des Malades, il fait halte, pieusement. Il pose son sac droit devant lui, comme un tronc d’arbre ou un rocher, et il prie, agenouillé, comme il priait naguère, lorsqu’il était pénitent blanc, et qu’il s’arrêtait, à ces mêmes stations du pèlerinage, ayant mis à terre le brancard magnifique où se dressait, vêtu de velours rouge et couronné comme un roi, saint Jean libérateur de Tulle.

Puis il repart, et sa marche est si lente, maintenant, qu’il a l’air d’une tortue ou d’un gros limaçon brun. Autour de lui, la solitude bleue frissonne de mille petites voix plaintive et stridulantes. Le parfum des aubépines erre comme un ange invisible. Et quand Bonnefont, presque défaillant, lève les yeux, il distingue, dans l’énorme lune claire, une figure d’homme, toute noire, torte et penchée, portant un sac sur ses épaules.