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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/82

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FIGURES DANS LA NUIT

puissance de l’imagination et de l’enthousiasme. Ce qu’Edésius trouvait, au bout d’un raisonnement, Sosipatra le découvrait, par une sorte d’instinct divinateur. Ainsi les deux enseignements se complétaient et formaient une harmonie.

Les plaisirs de l’étude et les devoirs maternels remplirent toutes les années de Sosipatra, jusqu’à cette année — la trentième — qui, pour les femmes de notre pays, marque la fin de la jeunesse. Elle vint, cette année fatale, et elle toucha d’un doigt léger le front de la femme philosophe… Un jour, Sosipatra, se regardant dans le disque poli d’un miroir clair comme la lune, vit, sur la chair ambrée de sa tempe, une petite ligne quasiment imperceptible et, parmi ses belles tresses fauves, un cheveu blanc… le premier ! Elle ne s’en émut pas beaucoup, n’étant point coquette, mais — sans y songer — elle passa son doigt, à plusieurs reprises, sur sa tempe, comme pour effacer la ride naissante, et — sans y songer — elle arracha le cheveu blanc… Geste involontaire que toutes les femmes ont fait, font et feront, tant qu’il existera des miroirs ! Après, Sosipatra se mit à rire, en se moquant d’elle-même. Une veuve,