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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/99

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SOSIPATRA ET LA COURTISANE

– L’an dernier ?

La courtisane parut chercher un détail précis parmi le flux toujours mouvant de ses souvenirs, mais elle était, comme ses pareilles, une de ces créatures qui vivent au jour le jour, dans le présent, et jettent, sans se retourner, le sable des heures derrière elles.

– J’ai connu l’heur et le malheur, la richesse et la pauvreté, l’amour et la désillusion, la maladie et la santé. J’ai eu des amants de toutes sortes. J’ai, une fois, essayé de mourir, ce qui était une grande sottise. Mais qu’un magicien m’ait ensorcelée, vraiment, je ne m’en souviens plus… Cependant, pour m’éclairer, veux-tu me décrire les symptômes de l’ensorcellement, tels que ton amie les éprouve ?

– Mon amie, dit Sosipatra, est une femme raisonnable. Elle n’est pas sans intelligence. On prétend même qu’elle a un cerveau masculin.

– Le cerveau seulement, je l’espère pour elle ! Et la voilà bien avancée… Un cerveau masculin ! À quoi cela sert-il ?

– À étudier la sagesse.

– Elle doit être bien laide, ton amie !

– Elle me ressemble un peu, dit-on.