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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/102

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frémissement des branches, le gazouillis furtif d’un oiseau. Chartrain adora ce paysage, la jeunesse des bois, cadre charmant de la jeunesse de Jacqueline. Assis au pied des chênes, il laissa parler son cœur. Il contempla le ciel et la forêt dans l’eau pure des yeux de son amie, et les sentiments qui l’oppressaient s’exhalèrent dans un cri d’allégresse : « Que la vie est belle et bonne, que je suis heureux ! »

Ils déjeunèrent à Vélizy, sous une tonnelle couverte de chaume, dans le jardin d’une auberge bien connue des artistes parisiens. Ils burent un petit vin rosé qui illumina les prunelles de la jeune femme. L’isolement dans un lieu inconnu, le mystère de leur escapade, le déjeuner rustique, plaisir tout nouveau pour Jacqueline, rappelèrent à Chartrain le goûter de l’été précédent, à la Patte-d’Oie, et il égrena le chapelet des souvenirs.

— Ah ! ce jour-là, j’étais bien près de l’aveu… Vous me faisiez penser à l’Eva de Vigny. Vous marchiez au bord du chemin, sous le ciel d’or, une grande fleur au bout des doigts… Je n’espérais rien… Mais vous m’aviez regardé parfois d’une manière si étrange…

— Et moi, je pensais : « S’il ne m’aime pas, il m’aimera. »