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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/115

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heure, soupçonneuse, inquiète, émue par des doutes vagues. Elle demandait :

— Dites-moi la vérité, Étienne… N’avez-vous aimé personne comme vous m’aimez ?

Il sentait dans sa voix, dans la nervosité de son geste, dans l’angoisse de ses yeux, la fièvre menaçante, la jalousie — si douce au cœur de l’amant quand ce cœur est resté fidèle. Jalouse ! Jacqueline n’avait aucune raison d’être jalouse. Mais elle était trop intelligente pour n’être pas instruite par sa propre histoire. La légende de l’intempérance masculine la dominait. Elle tremblait en s’avouant qu’elle imposait à Chartrain une fidélité impossible et invraisemblable… D’autres femmes avaient donné à Étienne la plénitude des sensations qu’elle lui refuserait toujours. Elle en était attristée et humiliée dans son orgueil d’amoureuse. Le jour où, pressé de questions, il raconta son aventure avec Jeanne Hermenthal, ce fut une crise de larmes, une explosion de colère, de rancune, de chagrin, bizarrement mêlés.

— Folle que vous êtes. Cette femme n’a laissé aucune trace dans ma vie, vous le voyez bien.

— Vous l’avez aimée plus que vous ne croyez, peut-être… Si vous la retrouviez maintenant…