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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/127

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Dans le salon voisin, un piano criard résonnait. Une noce dansait après le déjeuner dînatoire, avant la classique promenade au bois de Boulogne. La mariée, rouge sous une couronne trop grosse, rattrapait tant bien que mal, dans les quadrilles, sa traîne de cachemire blanc. Il y avait des demoiselles montées en graine, plates sous les draperies des corsages bleu ciel, avec des chapeaux de paille où fleurissaient des marguerites ; de petites filles, frisées du matin, dont les yeux se fermaient d’ennui, à voir tourner les grandes personnes ; des parents de province en redingotes courtes, en coiffes, en châles français. La gaieté des garçons d’honneur s’échappait en plaisanteries salées, pendant que les hommes cramoisis et graves se démenaient au billard. Par moments, le piano jouait un air connu d’une chansonnette à la mode, et toute la société, en chœur, reprenait :

         Ah ! ah ! ah !

ce qui paraissait à tout le monde extrêmement spirituel.

En toute autre circonstance, Jacqueline eût raillé ces ridicules étalés dans l’abandon d’un jour de liesse ; mais elle commençait à sentir que toute la vie n’est pas faite de beauté, d’art, de