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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/132

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lupté. Ils trouvaient dans leur étreinte immobile, sans même unir leurs lèvres, la plénitude d’un hymen… Il parla, enfin, d’une voix étrangement brisée, d’une voix qui semblait venir des profondeurs de son être, avec un timbre nouveau… Et tout disparaissait, tout s’évanouissait en eux, autour d’eux, le décor, l’heure, le passé, l’avenir, tout ce qui n’était pas l’amour et la minute présente et l’éternité qu’elle contenait… « Tu es à moi ! — Je t’appartiens !… » Et tout à coup la certitude de la possession proche, le poids d’une félicité trop lourde pour de pauvres cœurs mortels donnèrent à leur joie l’accent même du désespoir, la mélancolie, la stupeur, les larmes. Elles coulaient, ces larmes de l’amour éperdu et religieux, ces douces, ces ferventes larmes, des yeux de Chartrain sur les cheveux de Jacqueline et des yeux de Jacqueline sur la poitrine de Chartrain. Elle était à lui. Aucun pouvoir humain n’aurait pu la lui reprendre. Mais, par cette nuit enchantée, l’appel des sens ne troublait pas l’hymne tendre de leurs cœurs ; il s’y mêlait, il s’y perdait, il achevait l’harmonie. Le silence régna, et les ténèbres. Étienne et Jacqueline murmuraient des paroles de songe. Bientôt, ils ne parlèrent plus. Leurs bouches s’étaient jointes dans un