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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/21

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« gentillesse », à elle, pourrait, un jour, se transformer.

Étienne Chartrain, seul entre tous leurs amis, devine peut-être ces possibilités, ces promesses qui sont dans l’âme de Jacqueline et qui deviendront tout le bien ou tout le mal, tout le bonheur ou tout le malheur, si le destin ou le hasard leur permettent de se réaliser… Et Jacqueline qui n’est pas familière avec Étienne, qui est même un peu intimidée par ce timide, lui sait gré des pensées qu’il n’exprime pas… Quand il lui dit un mot bien simple d’éloge ou de blâme, elle sent qu’il espère quelque chose d’elle : une meilleure amitié, plus tard, et rien d’autre, mais c’est — ce sera — exquis, cette amitié-là dont l’heure n’est pas venue…

Paul et Jacqueline raillent doucement Chartrain, quelquefois, parce qu’il est un peu mélancolique et un peu « collet-monté », parce qu’il vit à Paris en provincial et ressemble à l’Alceste de Molière. Mais tous deux, également, l’estiment… « C’est l’honnête homme du xviie siècle, dit Vallier, c’est un stoïcien tendre, un artiste qui aurait passé par Port-Royal… » Jacqueline songe : « C’est un homme qui a été bien malheureux. »

Les gens qui dînaient aux petites tables, dans le jardin du Grand-Concert, regardèrent Vallier,