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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/277

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notre amour, et songeant que les plus douces journées finissent, ils seront tristes, comme nous.

La proche séparation, le deuil du bonheur qu’on ne recommence pas, scellèrent leurs bouches pendant ce court trajet de Chaville à Paris. Après dîner, Étienne fut pris d’un impérieux, d’un angoissant désir de revoir Jacqueline. Il courut chez elle.

Assise près de Paul, à la table où Jo écrivait un devoir, elle était si pâle, si abattue que Chartrain la crut malade. Il devina quelle fatale réaction s’était produite au retour. Celle qu’il avait étreinte et possédée n’était pas devant lui, le front lourd, le cœur troublé ; elle était restée dans l’auberge de Chaville, car elle n’était point une créature vivante, mais le spectre du Passé même, l’ombre de la Jacqueline d’autrefois. Entre ses deux gardiens, l’époux et l’enfant, l’autre apparaissait lointaine, défendue, à jamais étrangère, prisonnière des Lares du foyer.