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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/276

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… Le rayon avait disparu. La nuit venait. Entre les rideaux, on voyait un grand morceau de ciel turquoise encadré par des arbres noirs. Jacqueline se coiffait à la lueur falote d’une bougie pendant qu’Étienne contemplait le paysage crépusculaire, la plaine où s’effaçaient les maisons, les masses sombres du bois, les feux rouges de la voie ferrée. Un train siffla, lugubre ; Jacqueline, toute frissonnante, se rapprocha de son amant.

— Comme il fait noir, déjà. Dire qu’il faut nous en aller dans le froid, dans la nuit… Dire que nous ne reverrons jamais cette chambre si hospitalière.

— Qui sait ? dit Étienne. Veux-tu que je la loue, cette chambre, pour l’été prochain ?

Elle soupira :

— Non. Nous avons été heureux, aujourd’hui. Gardons intact ce souvenir. Adieu, chère petite chambre !

D’un geste enfantin, elle envoya un baiser dans l’air.

— D’autres viendront s’aimer, ici, sous les rideaux à franges. Ils riront du chien fantastique qui mange un perdreau décoloré. Le berger jouera pour eux de sa flûte silencieuse. Ils sentiront peut-être, épars dans l’atmosphère, l’arrière-parfum de