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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/290

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fait si tendre et qu’il voulait si heureux… Il ne pouvait, sans se déshonorer moralement, sans mentir à toute sa vie, interposer son égoïsme entre les hontes du présent et les expiations de l’avenir… « Oui, Jacqueline a droit au repentir, au rachat, au retour vers la vie régulière… Et moi qui lui ai montré la beauté de cette vie, je dois me soumettre et me retirer… Qu’elle soit libre ! Qu’elle redevienne maîtresse de son corps… Mieux vaut le malheur noblement supporté que le bonheur mutilé et lamentable. Mieux vaut le renoncement qu’une volupté non partagée, non consentie et dégradante pour tous deux !… Encore un effort !… Nous pourrons nous estimer encore si nous ne pouvons plus nous aimer… »

Il tourna la tête vers le lit et son désespoir éclata… Ah ! sa résolution était sincère, et ferme sa volonté ; mais son cœur, son faible cœur d’amant se révoltait sous la souffrance. Vivre seul, dormir seul, mourir seul ! Renoncer aux baisers de la femme, au refuge de ses bras, à son sein où tout s’oublie ; détruire l’œuvre de tant de jours, l’intimité créée si lentement et qu’il proclamait éternelle !… Éternelle ? Pauvre homme ! Il n’est rien d’éternel que la misère humaine, que la solitude du cœur peuplée un instant d’amitiés et d’amours