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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/291

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fragiles… Il n’est rien d’éternel que la mort. Et ces déchirants adieux que l’on dit à ce qu’on aime, ces ruptures, ces transformations de nos sentiments qui se renouvellent si bien qu’on ne les reconnaît plus, autant de morts successives et innombrables. L’amant dit : « Je ne changerai point ! » Et il devient l’ami. Et l’ami devient un étranger et l’étranger un adversaire. Hélas ! on ne peut rien retrancher à l’absolu sans le détruire, et l’amour, c’est l’absolu. Il est dans les sens et dans l’âme. Supprimer la possession n’est pas supprimer la tendresse, mais la moitié de l’amour n’est plus l’amour.

« Eh bien, adieu l’amour ! pensa-t-il en laissant couler ses larmes. Que la tendresse demeure, et que le principe de nos douleurs et de nos fautes en soit extirpé à jamais. Je sors de ce rêve où je me débats depuis trois mois, mais le coup de tonnerre qui me réveille me laisse à moitié foudroyé. J’ai vécu mon dernier jour de jeunesse. Je vieillirai dans la solitude et le veuvage où se pétrifiera mon cœur. »

Une voix faible s’éleva dans l’ombre comme un gémissement :

— Tu pleures ? Ô mon Étienne, est-ce vrai ?

Il vint s’asseoir au bord du lit. Et Jacqueline,