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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/49

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coup d’hommes ne comprenaient pas. Combien différent du joyeux et robuste Lachaume en qui éclatait la splendeur de la vie physique. Celui-là semblait échappé d’un conte de Brantôme. Avec le profil d’un François Ier brun et riche en couleur, dos épaules faites pour l’armure, des dents de loup, un poing de Cyclope il avait une belle humeur d’homme bien portant et l’égoïsme ingénu de l’enfance. Il se piquait de franchise et de galanterie. Sa franchise était parfois maladroite, sa galanterie un peu lourde, mais la candeur de son rire sauvait tout. Entre ces deux types d’intellectuel pur et de naïf sensuel, Moritz représentait le rêveur indolent, moqueur parfois, souvent ombrageux.

Près de Moritz, dans un fauteuil rustique, une jeune femme s’éventait. Grande, svelte et brune, elle était plus agréable que jolie dans sa robe d’un vert faux et charmant, un vert d’absinthe décolorée. Elle n’était pas la moins ardente à la discussion, et son accent assuré, son regard qui s’allumait d’un feu noir quand la controverse devenait vive, la révélait différente des autres femmes par le caractère, l’éducation, l’habitude de vie. Chartrain vint la saluer affectueusement.

— Je vois qu’on vous taquine, dit-il.

— C’est monsieur Lachaume qui veut démolir