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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/50

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mes idoles… Ah ! cela finira mal… Nous nous brouillerons…

— Non, dit Lachaume en s’appuyant au dossier de sa chaise… Non, madame Mathalis. Vous êtes une bavarde adorable. Ma parole, vous conférenciez très bien.

— Laissons cette discussion, dit la jeune femme. Madame Vallier nous appelle… Nous continuerons jeudi prochain.

Suzanne Mathalis recevait en effet, chaque semaine, ce même petit groupe d’artistes et de gens de lettres qui se retrouvaient tous chez les Vallier. Cette jeune femme vivait sur la limite de la société bourgeoise et du monde artistique, sans appartenir à l’une ou à l’autre, également estimée et critiquée dans les deux camps. Elle avait connu Jacqueline bien avant son mariage, lorsque toutes deux suivaient les mêmes cours, et leur amitié, un peu entravée par les préjugés de madame Aubryot, s’était développée et fortifiée par la suite. Suzanne Mathalis, qui cachait sous une grande affabilité une énergie extraordinaire, avait tenté, comme Chartrain, de réaliser un rêve d’indépendance et de libre travail. Seule, vivant du mince produit de quelques leçons, elle était entrée dans la bataille littéraire.