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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/97

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Je vous aime ce soir. Oui, plus grave et plus tendre,
Plus triste aussi, ce soir, mon cœur est plein de vous.
Je ne dois pas vous voir et je crois vous attendre,
Chère, et je veux poser mon front sur vos genoux.

Vos caressantes mains et vos lèvres légères
Ont rafraîchi souvent ce front lourd de souci.
Que faites-vous parmi les âmes étrangères ?
Vous m’oubliez là-bas, quand je vous pleure ici.

Dans mon logis sans fleurs, sans musique et sans flamme,
Je songe aux soirs déjà lointains, aux soirs joyeux
Où votre voix chanta si douce dans mon âme,
Où mes yeux chérissaient et redoutaient vos yeux…

— Laissez cela, Jacqueline. J’allumerai ma cigarette avec ces divagations…

— Venez les chercher, ces divagations, si vous l’osez, dit-elle en glissant le papier dans l’échancrure de son corsage.

— Vous mériteriez d’être prise au mot. Mais je ne ferais pas comme Louis XIII.

Ils se mirent à rire tous les deux et Jacqueline leva les bras au ciel.

— Grand Dieu ! que disons-nous là ? Voilà une journée qui commence bien… Allons rassemblez votre philosophie et votre sagesse, mettez votre chapeau et partons.

— Où voulez-vous aller ?

— N’importe où… Dans un endroit où il y a