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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/111

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dans la direction des intérêts extérieurs de la société que les gouvernements démocratiques me paraissent décidément inférieurs aux autres. L’expérience, les mœurs et l’instruction finissent presque toujours par créer chez la démocratie cette sorte de sagesse pratique de tous les jours et cette science des petits événements de la vie qu’on nomme le bon sens. Le bon sens suffit au train ordinaire de la société ; et chez un peuple dont l’éducation est faite, la liberté démocratique appliquée aux affaires intérieures de l’État produit plus de biens que les erreurs du gouvernement de la démocratie ne sauraient amener de maux. Mais il n’en est pas toujours ainsi dans les rapports de peuple à peuple.

La politique extérieure n’exige l’usage de presque aucune des qualités qui sont propres à la démocratie, et commande au contraire le développement de presque toutes celles qui lui manquent. La démocratie favorise l’accroissement des ressources intérieures de l’État ; elle répand l’aisance, développe l’esprit public ; fortifie le respect à la loi dans les différentes classes de la société ; toutes choses qui n’ont qu’une influence indirecte sur la position d’un peuple vis-à-vis d’un autre. Mais la démocratie ne saurait que difficilement coordonner les détails d’une grande entreprise, s’arrêter à un dessein et le suivre ensuite obstinément à travers les obstacles. Elle est peu capable de combiner des mesures en secret et d’attendre patiemment leur résultat. Ce sont là des qualités qui appartiennent plus particulièrement à un homme ou à une aristocratie. Or, ce sont précisément