Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/317

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— Moi et ma femme nous attendons chaque jour qu’elle écrase quelqu’un — répondit, avec indifférence, Tchouris. — Il n’y a pas longtemps, une solive du plafond a failli écraser ma femme.

— Comment, écraser ?

— Mais comme ça, Votre Excellence, écraser. Elle lui est tombée sur le dos, et ma femme est restée couchée sans connaissance, jusqu’à la nuit.

— Eh bien ! C’est passé ?

— Oui, c’est passé, mais elle est toujours malade. C’est vrai qu’elle est maladive depuis l’enfance.

— Quoi, tu es malade ? — demanda Nekhludov à la femme qui était restée debout à la porte et qui s’était mise à geindre dès que son mari avait parlé d’elle.

— Je sens toujours ici, quelque chose qui m’étouffe, et c’est terrible — répondit-elle en montrant sa poitrine, sale et maigre.

— Encore ! — fit avec dépit le jeune maître en levant les épaules. — Pourquoi donc, si tu es malade, n’es-tu pas venue te faire examiner à l’hôpital ? C’est pour cela qu’il est installé, l’hôpital. Est-ce qu’on ne vous l’a pas dit ?

— Mais oui, on nous l’a dit, notre nourricier, mais on n’a jamais le temps, il faut aller à la corvée ; et à la maison, toujours les enfants, et je suis toujours seule ! Oui, je suis toujours seule…