Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/148

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Sont-ils donc très rares les cas dans lesquels les hommes attentent au droit des autres à jouir des rayons du soleil, de l’eau, de l’air, de la nourriture, du droit de parler et d’écouter, alors que dans notre société, on élève sans cesse des prétentions sur le droit de jouissance de la terre et des instruments de travail ? Il n’y a pas d’autre motif et c’est pourquoi je vois que cette division de facteurs de production est tout à fait arbitraire et ne repose pas en la nature des choses.

Mais cette division est peut-être si propre aux hommes que là où s’établissent des rapports économiques ces trois facteurs de production, seuls prédominent. Est-ce cela ? Je regarde tout d’abord autour de moi les colons russes, il y en a des millions. Les colons arrivent sur la terre, s’y installent, commencent à travailler et il ne vient en tête de personne que l’homme qui ne jouit pas de la terre peut avoir des droits sur elle, et la terre ne prétend pas avoir aucun droit particulier. Au contraire, les colons, consciemment, considèrent la terre comme un bien commun et croient juste que chacun fauche, laboure, où il veut et tant qu’il pourra. Les colons, pour labourer la terre, pour jardiner, pour bâtir les maisons, font des instruments de travail, et là encore, il ne vient à l’esprit de personne que les instruments de travail en eux-mêmes rapportent le revenu, et le capital non plus ne prétend pas avoir des droits