Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/356

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voir autre chose que son régiment et la famille impériale. Maintenant Nekhludov le retrouvait dans l’administration civile, il avait remplacé le régiment par la province et sa chancellerie. Il était marié, et sa femme, personne riche et adroite, l’avait forcé de quitter le service militaire et d’entrer dans le service civil.

Elle se moquait de son mari, qu’elle cajolait comme un petit animal apprivoisé. L’hiver dernier, Nekhludov était allé lui faire visite, mais le couple lui avait paru si peu intéressant, qu’il n’était plus retourné dans cette maison.

En voyant entrer Nekhludov, Maslennikov devint tout rayonnant. Il avait le même visage gras et rouge, la même corpulence, la même mise soignée qu’autrefois, dans l’armée. Au régiment, il portait un uniforme d’une propreté irréprochable, coupé à la dernière mode et lui moulant les épaules et la poitrine. Ici, il portait un uniforme civil du dernier genre, serrant son gros corps et faisant saillir sa large poitrine. Malgré la différence d’âge (Maslennikov avait environ quarante ans), ils se tutoyaient.

— Ah ! c’est gentil à toi d’être venu. Je vais te mener chez ma femme. J’ai justement dix minutes à moi avant la séance. Le patron est absent. C’est moi qui fais fonction de gouverneur, — dit-il sans pouvoir cacher sa satisfaction.

— Je suis venu pour affaire.