Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/324

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tion à lui. C’était leur première rencontre après la discussion à cause de Télianine. Et maintenant, dans les rangs, Rostov, se sentant au pouvoir de l’homme envers qui il se jugeait coupable, ne quittait pas des yeux le dos athlétique, la nuque blonde et le cou rouge du commandant du régiment. Tantôt il semblait à Rostov que Bogdanitch feignait seulement l’inattention mais que son but était maintenant d’éprouver le courage du junker, et il se redressait et regardait, joyeux ; tantôt il lui semblait que Bogdanitch marchait si près afin de montrer son courage à Rostov ; tantôt que son ennemi lançait l’escadron à une attaque terrible, exprès pour le punir, lui, Rostov ; tantôt il lui semblait qu’après l’attaque il viendrait chez lui blessé, et d’un geste magnanime lui tendrait la main en signe de réconciliation.

Jerkov (qui récemment avait quitté le régiment de Pavlograd) s’approcha du colonel. Jerkov après sa révocation de l’État-major, ne restait pas au régiment, disant qu’il n’était pas assez sot pour travailler dans les rangs quand il pouvait, à l’état-major, sans rien faire, recevoir beaucoup plus de décorations, et il avait réussi à se faire nommer officier d’ordonnance du prince Bagration. Il venait à son ancien chef avec un ordre du commandant de l’arrière-garde.

— Colonel, dit-il d’un air sombre en s’adressant à l’adversaire de Rostov et en regardant