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Page:Toulet - Les Tendres Ménages, 1904.djvu/11

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C’est la promenade classique du cru. À travers l’étroite vallée, quadrillée de menus champs, on s’y rend entre des haies d’églantine et de sureau, sur un sol noir comme un chemin d’Égypte, jusqu’au bac qui remplace le pont suspendu emporté récemment par une crue du Gave. Et M. de Ribes explique, mais non point pour la première fois, comment ce fut la faute des ingénieurs, et des ingénieux travaux dont ils ont voulu mettre les cultures à l’abri de l’inondation.

Cependant de lents paysans, au geste circonspect, reviennent vers le village en poussant du bétail devant eux. Ils ont les pommettes saillantes, une bouche narquoise rasée de près, l’œil paisible à la fois et astucieux. Parfois c’est un essieu qui crie. On voit pesamment approcher le char, tout noir sur le ciel de nacre. L’homme s’y tient debout, aiguillonnant ses bœufs, et chante une chanson vieille, lente, triste, qu’il interrompt pour saluer.

— Adichats, moussu Noël, et la compagnie.

Et voici le Gave. Sous le soir nuancé, il court