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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/114

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evant vous. Et n’écoutez pas ce sinistre philosophe avec ses histoires de gouges. Il n’y a d’autres bêtes, la nuit, que celles que vous voulez bien.

Elle paraît rassurée et jette au miroir un glorieux sourire qui est comme l’aube sur les eaux dormantes d’un étang.

— Pourtant, dit-elle, il y en a des choses comme ça, la nuit. Noctiluce m’a promis même de m’en faire voir, mais j’ai peur.

— Moi j’ai peur que votre amie ne se moque de vous, Nane. On m’a toujours dit que les femmes, au contraire des chiens, ne voyaient pas de fantômes.

— Elles y perdent, dit Eliburru. Les spectres sont des créatures délicieuses. Je me rappelle, dans une vieille rue de ma vieille ville, une maison toute noire, faite aux trois quarts d’escaliers et de corridors, où je recevais une amie que j’avais alors dans le commerce ; une amie qui était la jeunesse même, la joie, et d’une chair incomparable. Or elle ne parvint jamais à distinguer une dame vêtue d’un reflet de lilas, qui entrait souvent en même temps qu’elle et nous considérait avec, je ne sais quelle ombre de sourire. Mais elle en avait, grâce à mes récits, une peur qui ne se pouvait vaincre.