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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/113

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n-aimé. Elles, cependant, de leurs doigts pâles, de leurs lèvres, tâchent de ravir votre jeunesse ; elles vous sucent le sang, ou se repaissent des baisers que vous donnez à l’amant imaginaire. Et un matin, au sortir de leurs bras, vous vous réveillerez lasse, avec deux ou trois rides au coin de ces yeux jusqu’alors irréprochables : ce sera la patte d’oie.

— Oh quelle horreur ! on dirait que vous y avez passé.

— Je n’ai pas eu, Nane, à perdre de beauté, qui d’ailleurs ne m’aurait pas offert un suffisant gagne-pain. Mais pensez-vous tout de même que j’aie dansé de joie de voir un jour à mon réveil que le ventre me pointait ?

— Vous deviez être bien durant la constatation. Est-ce que vous aviez un gilet de flanelle ?

Et Nane s’esclaffe. Mais tout à coup elle pousse un cri :

— Ah ! Seigneur, j’ai quelque chose au coin des yeux quand je ris, c’est horrible : est-ce que c’est la patte d’oie ?

Elle semble tout près de pleurer et je la console :

— Que parlez-vous de vieillir, Nane, à vingt-deux ans ! Vous avez l’éternité d