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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/116

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ananas écailleux, mille pâtés dans des boîtes brillantes, et ces flacons où les fruits confits ressemblent aux pierres les plus précieuses. Il y aura aussi les regards en coulisse des garçons qui loucheront sur la patronne en pensant à tant de belle chair perdue sous vos amples jupes. Car vous serez grasse, Nane ; mais vous serez sévère aussi et ne souffrirez point de galanterie des subalternes.

— Et pourquoi, dit le philosophe, ne seriez-vous pas la châtelaine d’une bicoque Louis~XIII, blanche et rouge, qu’on apercevrait de loin à travers les trembles ? Vous y porteriez le deuil honorable de feu le colonel de réserve votre mari ; il aurait toujours sa place à la table où, trois fois la semaine, vous joueriez le whist avec quelque hobereau sondeur du voisinage et monsieur le curé.

— Non, non, pas de curé, ça porte malheur !

— Ah ça ! Nane, seriez-vous devenue anticléricale ?

— Mon ami, répond-elle avec un regard majestueux, je ne suis plus une enfant. Je pense que les curés sont des hommes comme les autres.

— Mais vous ne crachez pas chaque fois qu’un homme vous approche, il me semble.