Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/132

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droite et de gauche, avec ses fossés pareils aux mailles d’un réseau, sa terre gonflée comme une mamelle, et de la vigne qui monte aux arbres, toute rouge. Ce train n’a pas de wagon-restaurant ; et nous dînons (mal) dans un buffet enrichi de stucs multissimicolores, dont le Palladio se fût attristé sans doute, ou diverti. Il y a aussi des mouches ; il y en a partout, jusque dans la paille des fiascos.

Et Nane se débat contre les longs serpents de pâte. Elle me rappelle Laocoon, en petit. Mais comme elle a taché, décidément, sa veste fauve :

— C’est sale, dit-elle, l’Italie.

La nuit passe. Changement de train, dès l’aube ; et, à Meste, je vois sans plaisir monter auprès de nous une ancienne connaissance d’Aix. Je ne me trompe point : ce cirage en moustaches, ces yeux qui semblent nager dans l’huile comme des cèpes de conserve, ces mains adipeuses, nul doute. Lui, manifeste une joie haute. Qu’est-ce qui m’amène à Venise ? Et il coule ses yeux gras vers mon amie, jusqu’à présentation :

— Le marquis Gondolphe. Mme Hannaïs Dunois.

Nane est ravie. D’abord elle n’a vu que