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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/17

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« Quæ est ista, quæ progreditur ut luna ? »
(Cantic. cantic.)
Quelle est cette jeune personne qui s’avance vers nous, et dont les traits n’annoncent pas une vive intelligence ?


Cette amie que je veux te montrer sous le linge, ô lecteur, ou bien parée des mille ajustements qui étaient comme une seconde figure de sa beauté, ne fut qu’une fille de joie — et de tristesse.

En vérité, si tu ne sais entendre que les choses qui sont exprimées par le langage, mon amie ne t’aurait offert aucun sens ; mais peut-être l’eusses-tu jugée stupide. Car, le plus souvent, ses paroles — que l’ivresse même les dictât — ne signifiaient rien, semblables à des grelots qu’agite un matin de carnaval ; et sa cervelle était comme cette mousse qu’on voit se tourner en poussière sur les rocs brûlants de l’été.

Et pourtant elle a marché devant moi telle que si ma propre pensée, épousant les nombres où la beauté est soumise, avait revêtu un corps glorieux. Énigme elle-même, elle m’a révélé parfois un peu de la Grande Énigme : c’est