Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/38

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Le Batignolles-Clichy-Odéon, en tournant, dérapa, oscilla un peu, et versa sur la gauche. Je vis quelque chose de clair, de blanc, de rose, qui décrivait une élégante parabole : c’était Nane. Obéissant aux lois présumées de la gravitation, elle quitta brusquement son banc, en même temps que plusieurs autres personnes, et tomba.

Elle tomba assise, se fit très mal, et fondit en larmes, silencieusement. Tel un vieux monsieur, qui retrouve sa fille après une absence de plusieurs années, je reconnus seulement alors, ne l’ayant pas rencontrée depuis longtemps, Mlle Hannaïs Dunois, maîtresse de mon ami Jacques d’Iscamps, ou peut-être sa veuve, car il devait se marier dans peu de jours. Jugeant d’ailleurs qu’il valait mieux qu’elle ne s’éternisât pas dans cette position sédentaire, je la pris par les mains pour la remettre debout. Elle ne semblait pas meurtrie, et, comme le temps était beau, n’était salie que de poussière.

— Tiens, c’est vous, dit-elle, me reconnaissant à son tour. Vous seriez bien gentil de me raccompagner jusqu’à ma voiture ; elle ne doit pas être loin.

Quand elle y fut montée : « Vene