Aller au contenu

Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dit, avec mépris, à propos des choses qu’ils n’aimaient point : « Ce n’est pas de l’Art. C’est de la littérature. »

Eh, laissez-le donc tranquille, l’Art : afin qu’il vous le rende. Si le caprice vous vient de contempler des belles choses, n’avez-vous pas assez de vous mirer dans votre miroir, votre beau miroir Louis~XVI dont le cadre, doré au mat, figure une sensible bergère qui répand des pleurs auprès d’un nid renversé ? Et sur mon âme, ce meuble est épris de vous. Pareille à la brume délicate qu’un soir d’août suspend sur les eaux, voyez cette buée qui le voile, tant il s’émeut, dès que vous surgissez devant lui parée de vos seuls colliers ; aussi nue et moins rigoureuse qu’une Vérité mathématique. Mais vous, Nane, vous ne l’aimez point. C’est pourquoi sans pudeur vous souffrez qu’il vous épie jusque dans votre chair la plus secrète, avec vos genoux un peu rapprochés, vos coudes de corail pâle, une gorge sans escarpements ; si irrégulière pour tout dire, en vos charmes, qu’ils ne sont peut-être qu’une exquise difformité.

Déjà vous voici ensevelie sous le linge, armée d’un corset, de jarretelles, de bottines très hautes, comme en portèrent, sous leurs