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Page:Tourgueniev-Le Rêve.djvu/15

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X

Je n’ai pas besoin de dire quelle impression terrible et profonde produisit sur moi le récit de ma mère. Dès ses premières paroles, j’avais compris qu’il s’agissait d’elle, et non d’une amie, et ce moi deux fois échappé n’avait fait que confirmer mon soupçon. C’était donc bien réellement mon père que j’avais cherché dans mes rêves et que j’avais vu en réalité. Il n’avait été que blessé dans cette querelle et non tué, comme l’avait supposé ma mère, et il était venu chez elle, et il avait fui, terrifié par la terreur qu’il avait inspirée. Je compris tout : et ce sentiment de répulsion involontaire que ma mère éprouvait parfois à mon égard, et sa constante tristesse, et notre vie solitaire. J’avais comme un vertige, je tenais ma tête à deux mains. Mais une pensée s’était plantée comme un clou dans mon esprit : j’étais résolu à tout prix, coûte que coûte, à retrouver cet homme. Pourquoi ? Dans quel but ? Je ne sais. Mais le retrouver était devenu pour moi une question de vie